Le Québec est maintenant une société plus inclusive et plus ouverte sur le monde, mais qui a toujours de la difficulté à trouver un emploi à ses immigrants.
C’est l’une des conclusions d’une note socioéconomique publiée aujourd’hui par l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS). Selon l’Institut, la condition socioéconomique des personnes immigrantes est toujours «moins reluisante» que la moyenne des Québécois.
Julia Posca, chercheure à l’IRIS et auteure de la note, indique que les personnes immigrantes vivent toujours «une certaine discrimination à l’embauche», malgré un haut niveau de qualification. «Plusieurs personnes immigrantes sont plus scolarisées que la moyenne des Québécois, mais elles n’arrivent pas à se trouver d’emploi», ajoute-t-elle. Selon Statistique Canada, de 2006 à 2015, le taux de chômage moyen pour la population née au Canada était de 5,8 %, contre 11,2 % pour les immigrants, soit plus du double.
Ce phénomène de «discrimination systémique» touche surtout les personnes immigrantes issues des minorités visibles ou celles avec un nom «qui ne sonne pas Québécois», précise Mme Posca. C’est d’ailleurs un problème davantage présent au Québec qu’ailleurs au Canada. L’une des hypothèses avancées par la chercheure concerne le taux d’immigrants récents. «Quand on se compare à l’Ontario ou à la Colombie-Britannique, on constate qu’on retrouve davantage d’immigrants récents au Québec, et ce sont eux qui possèdent le taux d’emploi le plus faible et le taux de chômage le plus élevé», précise-t-elle.
Et les personnes qui parviennent à se trouver un emploi «finissent par se retrouver en situation de surqualification», c’est-à-dire lorsqu’une personne possède un niveau de scolarité supérieur à celui exigé par l’emploi qu’elle occupe. Selon le ministère de l’Immigration du Québec, en 2012, le taux de surqualification de l’ensemble de la population au travail était de 29,7 %, alors que pour la population immigrante, ce taux atteignait 43 %.
Parmi les immigrants les plus vulnérables, on compte les femmes «qui subissent une double discrimination : celle d’être femme et celle d’être immigrante». Selon l’étude de l’IRIS, le chômage chez les femmes immigrantes atteint 11,1 %, contre 6,2 % chez les femmes natives.
Pistes de solution
Selon Julia Posca, le noeud du problème n’est pas dans la sélection des immigrants, mais dans la façon dont ils sont accueillis une fois débarqués au Québec. «Les personnes immigrantes sont choisies sur la base de leurs qualifications, mais on ne leur donne pas la chance sur le marché du travail.»
Mme Posca critique d’ailleurs les coupes du gouvernement du Québec dans l’offre de cours de français ainsi qu’aux organismes communautaires qui viennent en aide aux personnes immigrantes «qui contribuent à les maintenir dans une situation défavorable».
«Si on investit à hauteur des besoins, on risque d’avoir de meilleurs résultats», résume-t-elle. Pour inverser cette tendance, Mme Posca propose, en plus de faciliter la reconnaissance des diplômes, d’offrir aux personnes immigrantes des «programmes de stages, de formations et de mentorat» autant pour développer un réseau et pour leur donner une chance additionnelle sur le marché de l’emploi, que pour «mieux s’adapter à la culture d’accueil».
La chercheure propose également «de mettre en place des mesures pour contrer le problème de la discrimination» en rendant «obligatoires» pour les entreprises privées «des programmes d’équité à l’emploi, qui sont pour le moment sur une base volontaire, ou à tout le moins en faire la promotion».